Baroque et classique
Le terme “siècle classique” commence à s’employer dès le XVIIIe siècle. Déjà on
regardait les grands auteurs et artistes de l’époque précédante—Corneille,
Racine, Molière, Poussin, Le Lorrain—comme des maîtres “inimitables” égaux
ou supérieurs aux artistes et écrivains de l’antiquité. Tel
Voltaire, dans son ouvrage historique, Le Siècle de Louis
XIV: “Le siècle de Louis XIV a donc en tout la destinée
des siècles de Léon X, d’Auguste, d’Alexandre…” Ainsi parle-t-on
toujours de littérature et art “classiques” pour cette période
en France.
Dans le contexte européen, on emploie plus souvent le terme “baroque” pour
décrire l’art, l’architecture et parfois la littérature de ce
temps—et il est vrai qu’entre le faste architectural italien
d’un Borromini et les pompes de Versailles on trouve une magnificence,
une théâtralité, un jeu de perspective, des courbes rompues… pas
nécessairement “les mêmes” mais certainement analogues. Certains
historiens ont d’ailleurs employé l’expression “baroque Louis
Quatorzain.”
 
En littérature, la question est plus complexe. Le critique
Jean Rousset a élaboré une série de parallèles entre la production
artistique baroque et certaines tendances dans la littérature
française de 1600 à 1640 pour définir une “littérature baroque” où dominent
les thèmes de la métamorphose, l’inconstance, la fuite, le déguisement,
la mort et la fugitivité de la vie. L’historien Bernard Chédozeau
souligne l’importance du lien entre baroque et catholicité—c’est
un style qui n’a guère d’influence dans les pays Protestants.
Chédozeau accentue l’aspect spirituel du baroque, qui cherche à émerveiller
et à émouvoir, ainsi que le rôle dominant du spectacle, du mystère,
de l’éloquence orale; le refus de l’analyse et de l’écrit. Dans
le domaine littéraire, le théâtre serait donc le genre “baroque” par
excellence, ainsi que certaines formes de poésie. Le théâtre
des premières décennies du siècle correspondent à cette esthétique
par leur goût du spectacle et du merveilleux et la complexité de
leurs multiples intrigues: poètes Agrippa d’Aubigné et dramaturges
Pierre Du Ryer et Jean Rotrou en fournissent des exemples. Le
théâtre de Pierre Corneille, traditionnellement considéré comme “classique” a été profondément
influencé par l’esthétique baroque.
Après 1640 le climat artistique change. (On peut dire que la
vive critique du Cid de Corneille—pièce baroque à plus
d’un égard—par le jeune Académie française en 1637 en est un
symptôme.) Désormais artistes et écrivains cherchent à rendre l’ordre, la
clarté et la raison; la pureté et la noblesse du style,
l’adhérence aux “règles.” C’est aussi le moment de l’absolutisme. Dans
les jardins de Versailles, art et politique concourent pour créer
un mythe puissant… Le style “classique” littéraire se trouve
dans l’élégance et la précision des poètes Malherbe et Boileau,
la subtilité psychologique des tragédies de Racine et des romans
de Lafayette, les observations fines et désabusées de La Rochefoucauld. Leurs écrits
marqueront la langue française et influenceront non seulement
les générations, mais les siècles à venir.
Le classicisme recherche la “clarté” mais connaît de profondes
tensions: entre coeur et raison, Dieu et le monde, absolutisme
et vision tragique. Terminons sur une image évocatrice.

|
Claude Gellée, dit Le Lorrain.
Les adieux d’Énée et Didon à Carthage (1676)
(Cliquer pour une image plus grande.)
|
Le tableau fait partie d’une série d’illustrations de l’Enéide [Aeneid]
de Virgile par le peintre Claude Gellée, dit “Le Lorrain” (1600-1682). Il
montre une scène du Livre IV de l’Enéide, le moment où le
héros annonce son départ à Didon, la femme qu’il aime et qui
l’aime avec passion. C’est donc une scène remplie d’émotion
et de douleur; ici, rendue avec un calme, un équilibre qui semblent
en contradiction avec le sujet. Comment lire la scène? Le peintre
a-t-il choisi d’évoquer la beauté et la grandeur du poème par
un paysage idéal où les personnages sont moins importants que
le beau ciel clair? Un rappel que les émotions humaines n’occupent
qu’une place mineure dans l’univers? Toute la beauté de la scène
ne peut pas nous faire oublier que bientôt, après le départ du
héros, Didon se suicidera de manière violente…
JCH |
Contact: Julie
Hayes for content
on this page.
Last Modified:
July 18, 2003 5:12 PM
Contributors:
Julie C. Hayes, Kapanga Kasongo, Nancy Bradley-Cromey, Katrina
Perry, Françoise Ravaux-Kirkpatrick, Andrew Ross
Website Design: Elizabeth Miles, Suzanne
McGinnis, Michael Redwine
© 2002 - 04 Department of Modern Languages & Literatures, University
of Richmond
Site questions and Disclaimer
|