La Révolution cartésienne
L'euphorie humaniste se caractérisait par un appétit
boulimique de connaissances que l'on entassait avec ardeur. C'est
pourquoi beaucoup d'œuvres de l'époque avaient la forme
d'une somme encyclopédique (dans les œuvres de Rabelais,
par exemple), vitrine de toutes les sciences connues. Mais avec
Descartes, un renversement se produit. Il n'accepte plus de réduire
la connaissance à une accumulation de faits hérités
des Anciens ; il rejette toutes les conaissances acquises qui,
selon lui, ne peuvent mener à la vérité. Il
met tout en doute. Or, une seule chose résiste au doute
et devient preuve d'existence : c'est la pensée de celui
qui doute. Comment en effet admettre que ma pensée n'existe
pas si je puis penser que je n'existe pas ? " Pendant que
je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait
nécessairement que moi qui le pensais fusse quelque chose. " Cette équation
est résumée dans la fameuse formule des Méditations,
ouvrage d'abord écrit en latin : Cogito, ergo sum : " Je
pense, donc je suis. "
Mais cette découverte n'apporte nullement à Descarte
la preuve de l'indépendance de l'homme vis-à-vis
de Dieu, au contraire. Dieu étant créateur de toute
chose et source de toute vérité, l'esprit humain
purifié par le doute systématique retrouve une
clareté nouvelle, proche de la lumière divine.
A partir de ce moment, l'esprit, qui ne se laisse plus abuser
par des puissances trompeuses, va pouvoir peu à peu découvrir,
par un travail ordonné de la raison (c'est-à-dire
par un enchaînement d'idées claires et distinctes)
, l'ordre du monde, qui procède de l'ordre divin. L'important
consiste alors à ne plus dévier, à maintenir
sa raison sur le chemin de la clarté par un ensemble de
règles et de méthodes, d'où le titre de
l'ouvrage de Descartes le plus lu du grand public, Le Discours
de la méthode. L'humain (Descartes s'adressait à des
femmes autant qu'aux hommes) pourra alors connaître toutes
les vérités dont il a besoin pour la conquête
du monde et la conduite de sa vie. Par là, Descartes introduit
admirablement le classicisme, où tout repose sur l'idée
qu'il existe un ordre, une perfection absolue et que chacun peut
l'atteindre par l'effort et la discipline de la raison. Le classicisme
a en effet la manie des règles et des codes, des méthodes
et des principes qui servent à guider la raison.
(Texte basé sur Pierre Deshusses et al., Dix siècles
de littérature française, 2 vols. (Paris : Bordas,
1984), 1 :121-22.)
JCH
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Last Modified:
July 18, 2003 3:42 PM
Contributors:
Julie C. Hayes, Kapanga Kasongo, Nancy Bradley-Cromey, Katrina
Perry, Françoise Ravaux-Kirkpatrick, Andrew Ross
© 2002 - 04 Department of Modern Languages & Literatures,
University of Richmond
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