Esprit cosmopolite
Les Lumières regardent l'Angleterre comme le modèle de la monarchie tempérée Selon les historiens sociaux Georges Duby et Robert Mandrou :
" Voltaire dans ses Lettres anglaises (1734), Montesquieu dans L'Esprit
des lois (1748) ne sont pas des républicains, ni des démocrates.
Voltaire a vu l'Angleterre, rapidement, sans trop se poser de questions gênantes
; il a surtout lu Locke, ce théoricien de la Révolution de 1688,
qui fait l'éloge de la monarchie, où le roi partage le pouvoir
avec la nation ; confiant en ces institutions étrangères, autant
qu'il se méfie de tout ce qui est français, Voltaire est facilement
persuadé que la réalité et les principes d'équilibre
vantés par Locke ne font qu'un. . . . Montesquieu est plus systématique
: il a cherché et trouvé ses exemples dans l'antiquité
comme aux temps modernes. . . . Enfin il ne méconnaît pas Locke
et l'Essai sur le Gouvernement civil, et en tire sa théorie de la séparation
des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ; ce par quoi
L'Esprit des lois, ce gros livre moins lu qu'admiré de loin, ne cesse
pas, jusqu'à nos jours, de guider la pensée politique.
L'Angleterre est donc le modèle : le royaume le mieux gouverné
de l'Europe, parce que le citoyen y est protégé par la loi contre
tout arbitraire, parce que le roi respecte la loi qu'il n'a pas élaborée
lui-même, et que ce monarque laisse le législatif entre les mains
des représentants de la nation. "
Tandis que la France tourne les yeux vers l'Angleterre (mais aussi vers la Hollande, la Russie, la Prusse, la Chine, etc. dans le domaine des échanges intellectuels et artistiques), on peut aussi dire que l'Europe est " sans frontières " pour tout ce qui vient de la France :
" Au temps de Louis XIV, les princes, grands et petits avaient commencé à construire des Versailles miniatures. . . . Au siècle suivant, ce sont les livres, les tableaux, les costumes, les meubles français qu'il est indispensable de faire venir : la langue française est parlée dans toutes les cours. . . . Le prestige de la vie parisienne est si grand, que les plus fortunés viennent se fixer dans cette capitale où tous se sentent chez eux : Casanova dit déjà, à la fin du siècle : 'On ne vit qu'à Paris, on végète ailleurs.' L'Europe charmée par le cosmopolitisme parisien, par l'universalisme de la pensée française, est, au siècle des lumières, l'Europe française. "
Georges Duby et Robert Mandrou, Histoire de la civilisation française,
2 vols. (Paris : Armand Colin, 1984), 2 :132, 125.