Marguerite
Duras (1914-1996)
Pour
connaître sa vie. sa
bibliographie et sa filmographie .
Les débuts
de la romancière ...
Marguerite Duras se
fait d'abord remarquer par la publication de romans
d'une facture encore relativement traditionnelle, dont Barrage
contre le Pacifique (1950), mais se singularise rapidement,
en particulier avec son roman Moderato cantabile (1958),
par un récit dépouillé où l'action et la narration ont été remplacés
par un récit dialogué et où apparaissent déjà certains thèmes
récurrents de son oeuvre: l'enfermement des personnages dans une
vie sociale étouffante à laquelle ils tentent d'échapper par l'excès
passionnel dont le point d'aboutissement est la mort.
La scénariste
d'Hiroshima mon amour...
En 1959, elle se voit
confier le scénario du film d'Alain Resnais ,
Hiroshima mon amour . Le film, qui est une évocation de la
tragédie d'Hiroshima d'une surprenante vigueur et véracité, se
double d'une magistrale interrogation sur l'oubli et la mémoire
et sur le paradoxe de leur nécessaire coexistence. Il sera promu
au rang de créations les plus marquantes de la période contemporaine.
La carrière de la jeune romancière vient de prendre un tournant
décisif.
Ecriture romanesque
et cinématographique...
En effet, à partir de
cette période, Marguerite Duras développera un style artistique
qui lui sera spécifique où écriture romanesque et expression
cinématographique s'informent mutuellement. Ainsi les
formes romanesques auxquelles Duras consacrera ses investigations,
principalement jusqu'en 1968, consisteront pour une grande part
en des transpositions d'éléments de l'écriture cinématographique
qu'elle avait développés dans son travail sur Hiroshima
:
- prédominance des dialogues
- suppression de tout ce qui relève de qu'elle appelle le "bavardage"
(explications, psychologie, réflexions, transitions et charnières
de tous ordres)
- conflit des évocations visuelles et du texte énoncé ou chanté
- voix off contestant le contenu de l'image évoquée ou de la
fiction principale
- reprise de la thématique obsédante de la passion, du désir,
de la mémoire et de l'oubli.
Si ses romans prennent
parfois l'aspect de "découpages cinématographiques", en tant que
scénariste, et réalisatrice de ses films, elle met au point une
écriture cinématographique personnelle intégrant des procédés
romanesques ou théâtraux. Entre 1973 et le début des années 1980,
elle réalise un ou deux films par an. Dans l'un d'entre eux, Le
Camion (1977), elle dit ou plutôt elle lit
elle-même le texte qu'elle adresse à un auditeur-spectateur,
l'acteur Gérard Depardieu.
La
transgression des délimitations formelles... La complémentarité
des formes ...
Cette transgression
n'aboutit pas seulement au fusionnement des genres.
La tentative de Duras
nécessite le recours à la complémentarité des différentes formes
d'expression : certaines de ses oeuvres sont tout d'abord
des romans, qu'elle adapte ensuite pour des enregistrements radiophoniques,
puis met en scène, dans une première phase pour le théâtre, enfin
pour le cinéma.
- Chaque roman, chaque pièce, chaque film prolonge, corrige,
dépasse l'oeuvre qui l'a précédé. Ses oeuvres sont caractérisées
par une récurrence thématique à travers toute sa production
artistique comme la reprise et la modulation à l'infini d'éléments
autobiographiques ou fictifs présents dès le premier roman,
Barrage contre le Pacifique .
- Marguerite Duras reprend non seulement les mêmes thèmes, mais
aussi les mêmes lieux (la plage, les bords du fleuve, les jardins,
les hôtels et leurs tennis, la digue, la ville, la prison, etc.),
les mêmes personnages, dont la voix est invariablement la sienne
ou, dans les films, celle d'interprètes favoris : les acteurs
Delphine Seyrig, Michael Lonsdale, Sami Frey. Aussi le lecteur-spectateur-auditeur,
l'initié, se retrouve-t-il dans un monde à la fois familier
et mythique, animé de perpétuels mouvements de régression et
de progression.
Réalités
hypothétiques ...
Dans les oeuvres de
Marguerite Duras, les événements sont le plus souvent abolis,
gommés au profit de leur retentissement dans les consciences et
dans la mémoire ou au profit de réalités hypothétiques:
- Le film India Song ("texte-théâtre-film") met en
scène le souvenir d'une histoire d'amour impossible ; le
roman Le Ravissement de Lol V. Stein est l'histoire
de Lola Valérie Stein racontée par l'homme qui l'aime et qui,
n'ayant guère d'éléments dont il soit certain, fait des hypothèses
et invente la vie de Lola. Souvent au cours du roman, il propose
différentes possibilités de développement de l'histoire, et
indique quelle direction il choisit.
- Le film Le Camion relate aussi une histoire hypothétique,
écrite au conditionnel: ce serait l'histoire
d'une femme, une auto-stoppeuse, qui "vit un amour d'ordre général".
Deux grand cycles
...
On peut classer une
importante partie des oeuvres de Duras dans au moins deux
grands cycles, chacun d'entre eux englobant romans, pièces,
films.
- Le cycle de l'Indochine regroupe les oeuvres qui reprennent,
tout en les modulant, les éléments autobiographiques relatifs
à l'enfance indochinoise de Marguerite Duras: destitution, injustice
faite à la mère, tares de la société coloniale, violence familiale,
désir, amour incestueux avec le petit frère, etc.). Relatés
sur le mode de la fiction dans le roman Un barrage contre
le Pacifique (1950), certains de ces éléments seront répétés,
modifiés, prolongés, dans les romans comme Le Vice-Consul
(1965), L'Éden-Cinéma (1977), les pièces de théâtre
et les films, et explicités dans deux des trois derniers romans
de Duras,
L'Amant (1984) et
L'Amant de la Chine du Nord (1991), reconstruction autobiographique
où les faits réellement vécus et les mythes élaborés progressivement
dans les oeuvres ultérieures ne peuvent être clairement différenciés.
- Le cycle d' India Song a pour matrice littéraire
initiale le roman Le Ravissement de Lol V. Stein (1964),
et regroupe les films La femme du Gange (1973), India
Song (1974) , Son nom de Venise dans Calcutta désert
(1976). Il représente la conjugaison à l'infini des thématiques
de la rencontre amoureuse, du désir, du désespoir existentiel
ou amoureux, de l'horreur et de la folie.
L'appartenance de certains
personnages aux oeuvres des deux cycles assure également un lien
entre les deux groupes.
- C'est le cas du personnage d'Anne-Marie Stretter, objet des
désirs masculins dans l'ensemble des oeuvres du cycle d'India
Song, mais également cause de la disgrâce du Vice-Consul dans
le roman du même nom, et idole de la jeune héroïne de L'Amant
et de L'Amant de la Chine du Nord du cycle de
l'Indochine.
- L'histoire parallèle de la mendiante folle, figure emblématique
et récurrente de la misère, de la folie et de la peur, présente
dans les oeuvres relatives à l'Indochine aussi bien qu'à celles
de l'Inde, établit également un lien entre les deux cycles (elle
serait venue à pied d'Indochine jusqu'à Calcutta!).
La militante...
Si durant la période
1966-1980 Marguerite Duras se passionne pour la mise en scène
et la création d'une oeuvre multiforme (romans, pièces, théâtre),
les deux dernières décennies de sa vie, vont voir la réaffirmation
de son militantisme politique aussi bien que féministe qui s'exprimeront
plus directement dans ses essais et ses écrits journalistiques.
F R-K
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